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Propos sur la démarche du sculpteur Bruno Lebel

 

La création des formes et la recherche de l’harmonie des couleurs est à mon sens une nécessité intérieure, un besoin vital.

Dans mon travail de sculpteur qui consiste à mettre en forme de la terre glaise, je m’efforce de modeler par un geste réflexe, rapide, par un jaillissement d’énergie condensée.

Exemple quant au volant de votre voiture vous freinez brusquement pour éviter un obstacle imprévu, la pensée n’a pas le temps d’intervenir et le réflexe vous sauve.

Je m’efforce de faire intervenir cette fonction réflexe, le plus souvent possible dans ce geste de peindre  ou de modeler.

Bien sûr, le geste rapide s’inscrit dans un schéma directeur général succinct préétabli par la pensée.

 

Les sculptures représentent dans leur grande majorité des citadelles, des châteaux, des habitations plus ou moins troglodytiques de formes plutôt pyramidales.

Ces sculptures m’ont été inspirées par un texte de Maître Eckhart, moine dominicain qui enseigna à Paris puis à Cologne au XIVe siècle.

Son enseignement était une métaphysique dans laquelle il développait ses thèses mystiques. Le texte qui m’impressionna fortement s’intitulait « Le château de l’âme ». Il définissait l’âme comme une entité indestructible, située entre notre être profond, énergie invisible en relation avec une pensée universelle.

Extrait du Château de l’âme  de Maître Eckhart, traduit de l’allemand et commenté par Gwendoline Jarczyk et Jean-Pierre Labarrière : « Cette demeure élevée au-dessus du paysage environnant, forteresse  intérieure, lieu de concentration et de rayonnement, référence dernière lorsque surviennent traverses et malheurs. Image noble, mais qui « se rit de la noblesse » et est « au-dessus de cela », simple tremplin dont ne peut rendre compte, dans sa rigueur logique, que e vocable de l’Un, qui échappe à toute appréhension sensorielle ou spirituelle – « de sorte que d’aucune manière l’on ne peut y jeter le regard. » Donc la métaphore du « Château fort » désigne l’intime de l’âme, son fond le plus essentiel. »

A la suite d’une méditation sur ce texte, l’idée me vint que les pyramides égyptiennes étaient des châteaux qui recueillaient l’âme des pharaons défunts. Je ne pense pas que Maître Eckhart ait eu connaissance en son temps de l’existence de ces pyramides, mais la parenté est troublante.

L’âme, cette forme invisible chargée d’énergie trouve une possible explication dans les recherches de la physique quantique. Celle-ci nous enseigne en effet qu’il existe en plus de trois dimensions visibles de notre espace-temps, sept autres dimensions invisibles dont nous sommes pétris et dont nous dépendons à notre insu. Le biologiste anglais Rupert Scheldrack, célèbre pour ses publications scientifiques n’est pas de reste, il évoque une préforme invisible qu’il nomme morpho-génétique qui serait à l’origine de la constitution des formes vivantes visibles.

 

J’intitule cet ensemble : « Variations sur le thème du labytinthe-mandala ». Il s’agit d’une tentative de synthèse de la pensée méditative de l’ Orient (Inde, Tibet, Japon…) et de  celle de l’Occident européen. Le mandala (en sanscrit qui veut dire cercle) est utilisé en Orient depuis des millénaires comme support de méditation. Il joue aussi un rôle mystique dans le bouddhisme, l’hindouisme, le bouddhisme ésotérique japonais…

Nous sommes donc en présence d'un processus psychique oriental qui correspond à un voyage symbolique dans le pays intérieur du méditant pour un accomplissement personnel. Ce dernier, immobile, se recueille devant le mandala qui est suspendu verticalement. Son voyage est effectué par sa pensée, aidée de son regard qui parcourt le plan sinueux.

 

 

 

Tous les mandalas orientaux de formes géométriques carrées sont pourvus de quatre portes orientées vers les points cardinaux.  Pour Carl Gustav Jung qui étudia ce thème toute sa vie, cette quaternité concerne les deux couples d'opposition d'énergie psychique : Pensée-sentiment et Sensation-intuition qui se placent sur chacune de ces portes.

 

Carl Gustav Jung utilisa entre autres, le mandala pour soigner ses patients. Il en fit réaliser des milliers et en tira des conclusions sur l'état de ces malades. Les résultats sont consignés dans ses publications.

Les personnes qui souhaitent pousser plus loin la réflexion sur ce thème peuvent trouver des études exhaustives dans l'œuvre de Carl Gustav Jung et Marie-Louise Von Franz.

Quant au labyrinthe, il possède une signification assez proche en Occident de celle du mandala en Orient. Le labyrinthe occidental est une voie initiatique dynamique qui propose au méditant de parcourir physiquement un chemin, qui va de la périphérie au centre d'une composition géométrique carrée ou ronde, constituée de circonvolutions matérialisées au sol. Le diamètre de ces labyrinthes n'excède pas trente mètres.

Il en existe toutefois de petits, gravés sur des pierres tombales, datés de plusieurs milliers d'années.

Cette pratique possède plusieurs significations symboliques, entre autres : celle d'aller de la terre au ciel, du monde profane au monde sacré.  Carl Gustav Jung dirait du conscient vers l'inconscient. 

 

Le point commun du mandala oriental et du labyrinthe occidental est d'être un support au voyage vers le monde intérieur destiné à arpenter nos terres inconnues, à visiter notre Orient intérieur, notre ciel intérieur par de multiples détours psychiques conscients et inconscients.

En résumé, c'est un symbolisme de la transcendance. Les schémas de ces labyrinthes-mandalas permettent un voyage par la pensée dans les archétypes qui constituent notre moi profond.

 

Ces plans ne figent pas un morceau de l'espace, ils n'enferment pas le méditant dans un volume défini, mais au contraire laisse libre impossible déplacement circumambulatoire. L'imaginaire peut avoir sa place dans cet acte d'autotranslation. 

Dans le cas de l'expérience réussie du parcours, le méditant pourra accéder à un niveau de conscience immédiatement supérieure à celui qu'il possédait à l'instant de l'expérience pour accéder progressivement à d'autres niveaux plus élevés, plus complexes et réaliser une meilleure compréhension de l'Être.

Vous déposez mentalement vos bagages à l'entrée du labyrinthe-mandala, puis vous sollicitez votre guide intérieur pour vous engager mentalement et lentement dans les allées plutôt labyrinthiques, tantôt rectilignes de la composition.

 

Ces labyrinthes mandalas sont donc des supports de méditations qui peuvent permettre de traverser l'opacité de la matière pour accéder à des états de conscience modifiée. 

 

Il existe encore de nos jours en Occident des labyrinthes. Je n'en citerai que quelques-uns : dans les cathédrales d'Amiens, de Bayeux, de Chartres, la basilique de Saint-Quentin, l'abbaye de Toussaint à Châlons-en-Champagne, l'église de Genainville dans le Val-d'Oise, l'église de Hagbingbo dans l'île de Gotelang (Suède), l'église de Telemark (Norvège), l'église de Skive dans le Jutland (Danemark). Cette liste est loin d'être exhaustive.

De nos jours, nous pouvons encore trouver des survivances de nos labyrinthes dans les tracés à la craie sur les trottoirs, de jeux d'enfant que l'on appelle "marelle". Cet amusement consiste à sauter à cloche-pied dans les cases d'une sorte d'échelle, en poussant avec le bout du pied une espèce de palet. Ce parcours symbolise le chemin qui va de la terre au ciel.

Un autre tracé de marelle basé sur le carré avec ses diagonales et lignes médianes, sur lesquelles chaque joueur place trois cailloux et les fait avancer suivant des règles déterminées. Il faut pour gagner, arriver à placer les trois cailloux en ligne droite.

 

Ce travail sur des labyrinthes mandalas est aussi une variation sur le carré et le cercle, thème que les anciens Grecs et plus tard les alchimistes voudraient résoudre et qu'ils appelaient la quadrature du cercle. Je veux mentionner qu'en Orient comme en Occident, le carré représente la terre, et le cercle le ciel.

Ici, chaque composition comporte un agencement de tracés géométriques et de couleur qui met une onde de formes différentes. La physique quantique nous enseigne que tout objet émet une vibration qui lui est propre. 

Il en est de même pour le corps humain, ce qui explique partiellement nos préférences pour ceci ou cela.

 

L'Occident possède aussi de nombreux mandalas : les rosaces de cathédrales, les roses des vents situées sur les cartes maritimes anciennes, de nombreux plans d'église, de forts, de châteaux. Enfin, tous les plans à structures radiales.

 

En conclusion, le principe du labyrinthe-mandala est en quelque sorte une carte, une boussole qui permet à l'homme du dehors c'est-à-dire l'homme relié au quotidien, l'homme aux relations multiples engagé dans le monde extérieur, d'inverser sa démarche et de se diriger vers l'homme du dedans que nous sommes également mais que nous ne connaissons pas bien. Celui-ci invente nos rêves durant notre sommeil. Il gère notre vie, notre corps autant psychique que somatique. Je vous propose donc d'aborder ces labyrinthes-mandalas comme une méditation solitaire mais également comme un jeu, afin de retrouver votre âme d'enfant, chemin possible de sérénité par un retour sur soi.

 

 

                                                                                         Bruno Lebel

 

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